"Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans" : le débat scientifique et de société porte ses fruits .mardi 25 mars 2008 Fin 2005, l’Inserm publie une expertise sur le « trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent  ». Etablissant une corrélation entre des difficultés psychiques de l’enfant et une évolution vers la délinquance, elle préconise le dépistage du « trouble des conduites  » chez l’enfant dès le plus jeune âge. Au même moment, un plan gouvernemental de prévention de la délinquance prône une détection très précoce des « troubles comportementaux  » chez l’enfant, censés annoncer un parcours vers la délinquance. Janvier 2006, l’appel « Pas de conduite pour les enfants de trois ans  » est lancé. Il dénonce une déviation prédictive de la prévention et s’élève contre les risques de dérives des pratiques de soins, notamment psychiques, vers des fins normatives et de contrôle social. Il appelle à un débat démocratique sur la prévention, la protection et les soins prodigués aux enfants. Juin 2006, "Pas de 0 de conduite" publie un premier ouvrage[1], tient colloque[2] et organise un débat national poursuivant la critique du rapport Inserm et dénonçant sa récupération politique. A la demande du ministre de la santé, saisi par Pasde0deconduite, l’Inserm organise un colloque le 14 novembre 2006. C’est quasiment à une contre-expertise collective sur la question du dépistage des « troubles des conduites  » de l’enfant que se livrent tous les grands noms de la pédopsychiatrie française, et des pédiatres, psychologues, sociologues, épidémiologistes... Ce colloque dégage un rejet quasi unanime à l’égard des préconisations de dépistage précoce de la délinquance, d’un dépistage centré sur les seuls symptômes visibles, d’une approche sécuritaire des difficultés de santé. Tous les professionnels s’accordent sur la nécessité d’une prévention globale des troubles, dans le respect de l’humanité et de la singularité de l’enfant comme de sa famille. L’Inserm fait son "mea culpa" : dans sa conclusion, son porte parole annonce que les méthodes de travail des expertises Inserm dans le domaine psychique seront revues. Il y aura notamment prise en compte de la diversité des approches épistémologiques et pratiques, comme de l’expérience des acteurs de terrain et de l’apport des sciences humaines et sociales concernées par les problématiques considérées. Février 2007, le Comité consultatif national d’éthique rend un avis[3] qui confirme les problèmes éthiques posés par le rapport Inserm. Le CCNE estime notamment qu’ « une approche visant à prédire une évolution vers des formes violentes de délinquance à partir de troubles précoces du comportement n’est pas pertinente sur le fond en l’état actuel des connaissances et doit donc être proscrite (…) Le développement d’une réflexion sur la différence entre prédiction, accompagnement, et prévention devrait être encouragé dans tous les secteurs de la société, en particulier ceux qui sont impliqués dans la prise en charge de l’enfance  ». 2007-2008, les questions de politiques et de recherche en prévention psychologique, soin et éducation, restent plus que jamais d’actualité : la publication en février 2007 d’une nouvelle expertise de l’Inserm sur les troubles de l’apprentissage chez l’enfant est loin de correspondre aux engagements pris. C’est pourquoi, Pasde0deconduite persiste et signe. Depuis 3 ans, le collectif poursuit son travail et ses actions. Le débat scientifique s’approfondit : tenue d’un 2ème colloque en novembre 2007 et publication de l’ouvrage « Enfants turbulents : l’enfer est-il pavé de bonnes préventions ?  »[4] . Le collectif inscrit aussi son action dans les enjeux de société où une prévention éthique et humanisante envers les enfants risque d’être mise à mal : défense du secret professionnel dans la sphère de la santé et de l’action sociale (lettre ouverte aux candidats à ce sujet lors des présidentielles 2007), refus de mesures préjudiciables au développement psychique des enfants (assimilation de la difficulté scolaire au handicap, fichage du recours aux structures d’aide pour les enfants dans « Base-élèves  », droit de vivre en famille remis en cause pour les enfants de sans papiers, tentations de privilégier la réponse répressive plutôt qu’éducative dans la protection judiciaire de la jeunesse…). [1] Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans ! Ouvrage collectif. Toulouse, Erès. 2006, 240p [2] Prévention, dépistage des troubles du comportement chez l’enfant ? Actes du colloque Pasde0deconduite du 17/6/2006, Société française de santé publique, Collection Santé & Société, n°11 novembre 2006 [3] http://www.pasde0deconduite.org/IMG/pdf/avis095_ccne.pdf [4] Enfants turbulents : l’enfer est-il pavé de bonnes préventions ? Ouvrage collectif, Actes du 2ème colloque Pasde0deconduite du 10 novembre 2007. Toulouse, Erès, 2008, 300p. |